Paul Henri de la Rue

09 Juin 2016

Paul Henri de la Rue répond aux internautes et partage son expérience de sportif de haut niveau.

Paul Henri de le Rue, certifié Erudia, prend le temps de répondre aux internautes « scandalisés » suite à la diffusion de Complément d’enquête du jeudi 19 mai sur France 2. Au programme de l’émission : Jeux Olympiques, la gloire et la galère. Il partage ainsi son expérience de sportif de haut niveau et son regard sur le parcours pour atteindre la performance.
« Les commentaires sur les réseaux sociaux suite au teaser du reportage de France TV jeudi 19 mai 2016, m’ont grandement interpelé. La majorité des internautes est scandalisée que tant d’athlètes ne gagnent pas leur vie. Bon nombre souhaiteraient que l’état ou l’industrie soient plus investis dans l’accompagnement financier des sportifs qui représentent la France.

Pour moi, le sport, c’est l’école de la vie… Évidemment l’état doit être partie prenante dans le soutien qu’il apporte à ses sportifs, mais dans une certaine mesure seulement. La vie n’est pas un long fleuve tranquille… Aujourd’hui, nous bénéficions d’un soutien bien réel au travers de structures (stades, piscines…), d’administrations (fédérations, clubs…) et de subventions.

Les sportifs français ne sont pas plus à plaindre que les américains, russes et autres Guinéens. Un sportif de haut niveau est avant tout un être passionné vivant son rêve à fond. C’est d’abord un enfant qui fantasme, puis qui apprend à dépasser ses peurs, à devenir rigoureux, à maîtriser les techniques ainsi que ses émotions. Petit pas après petit pas, petit devient moins petit. Il gagne progressivement le respect de ses pairs. Son entourage croit en lui depuis le début. De plus en plus de personnes et de médias commencent à s’intéresser à lui. Des petites victoires, des grandes défaites… Beaucoup de doutes… Et aussi un rêve !!! Un jour, il faut se lancer. Faire preuve d’audace, parfois même de folie : est ce que j’arrête les études pour me consacrer pleinement à mon rêve, champion olympique ???
Finalement, démarrer une carrière de sportif de haut niveau peut s’apparenter au démarrage d’un business. Tu te dis que pour réussir, il faut être plus déterminé que tes concurrents. Tu as des cartes sérieuses en main. Une partie de poker : all in.

Tu mets tout sur la table !

Si tu es le meilleur sportivement, médiatiquement, bon gestionnaire, si tu sais valoriser ton travail auprès de tes sponsors, alors tu t’en sortiras peut être financièrement après quelques années de galère. Tu gagneras même peut être un jour le jackpot, mais statistiquement, c’est peu probable.

Si tu n’as pas la chance d’être suivi par ta famille et que tes résultats tardent à décoller, alors tu dois avoir la capacité de rebondir vers autre chose. Prendre la bonne décision au bon moment. Plus tu attendras et plus ta reconstruction sera difficile. À moins d’avoir réfléchi à un plan B dès le début. C’est du capitalisme pur et dur. C’est violent et c’est comme ça !
L’argent n’est pas l’unique motivation des sportifs. Il peut aussi y avoir la manière de faire, le plaisir d’apprendre, l’altruisme, le pouvoir… L’accomplissement de soi est une motivation que l’on retrouve souvent chez eux. Par exemple, se retrouver au départ d’une compétition olympique est une expérience qui marque la majorité des athlètes au fer rouge, mais pas forcément pour les mêmes raisons. À chaque sportif ses motivations, définies elles mêmes par son identité et le chemin de vie qu’il a parcouru. Un titre olympique n’étant pas forcément l’arrivée du chemin pour tous les athlètes. Pour moi, comprendre ses motivations est un des éléments clés permettant à l’athlète de ne pas se coucher dès la première difficulté. Donner un sens profond à ses objectifs accroît incroyablement la volonté et la détermination d’aller jusqu’au bout de ses rêves.
Lorsque je rencontre des jeunes sportifs qui rêvent de devenir professionnels, je leur pose toujours les questions suivantes : « Pourquoi devenir champion ? Qui sont tes alliés ? As tu conscience des entraves pouvant t’empêcher de vivre ton rêve ? Ta stratégie est elle claire et réalisable ? Quelle est ta capacité à surmonter tous les problèmes auxquels tu vas devoir faire face ? As tu conscience des sacrifices qu’il faudra faire ? ».

Tant de gens adulent les sportifs qui réussissent, parce qu’ils ont souvent fait preuve de plus de lucidité et de détermination que les autres. Au delà des podiums, il y a toutes les petites victoires du quotidien pour en arriver là.

Mais on ne naît pas tous sous la même étoile. Tous ne pourront pas s’appuyer sur un entourage solide et bénéficier d’un environnement favorable pour se développer. Il s’agit du jeu de la vie. La donne sert les uns quant elle dessert les autres. Le but étant de savoir bien utiliser les cartes que l’on a en mains. Néanmoins, qu’il soit issu d’un environnement favorable ou non, le champion a eu l’intelligence de mettre à profit tout ce qui pouvait lui permettre d’atteindre ses objectifs. Il a su convaincre certaines personnes clés de le soutenir, de manière consciente ou inconsciente. Il a également su gérer ses émotions intra et inter-personnelles, de manière intuitive comme raisonnée.

Suite à mes 15 années de coupe du Monde, mes 3 Jeux Olympiques, j’ai aujourd’hui une conviction : les plus grandes victoires ne sont que le reflet d’un long chemin truffé d’embûches. Si c’était trop facile, ça ne serait pas aussi beau. Pour entreprendre un business comme démarrer une carrière de sportif, il faut être audacieux et croire profondément en ses rêves, sans pour autant en être aveuglé. se challenger doit donc rester lucide et se remettre en question de manière régulière. Si tu veux devenir un grand champion, tu dois savoir garder les pieds sur terre tout en ayant la tête dans les étoiles.

« Dans la vie, il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, tu atterriras dans les étoiles » Oscar Wild »